Introduction

 

La genèse de ces lignes débute en 2015. A l’époque, l’arrivée massive de migrants en Europe voit déferler dans son sillage un torrent de réactions détestables et de commentaires nauséabonds, dans l’opinion publique ou sur les réseaux sociaux. Des hommes jugés, des femmes discriminées, qui pourtant fuient contre leur gré un pays en guerre, espérant seulement échapper à la mort ou vivre une vie meilleure.

 

Ce déchaînement de haine, basé sur l’ignorance, des mensonges, des manipulations ou des incompréhensions, m’a profondément touché. Blessé même. D’autant que ces mots durs, ce dédain, venaient de personnes que je connaissais, que je savais éduquées, cultivées et bienveillantes. J’étais choqué par leurs propos, en colère, je me sentais sali “par procuration”.

 

Car l’histoire de ces migrants n’était pas tellement différente de la mienne… J’ai moi aussi quitté mon pays, par obligation et non par envie. Puis galéré pendant des années, jusqu’à devenir un citoyen lambda, qui vit et contribue désormais à la construction de la société. Soudain, une question : ceux qui dénigrent ces réfugiés, m’auraient-ils détesté à l’époque de mon

arrivée ?

 

Depuis mon installation en Belgique, je racontais à l’envi des bribes de mon histoire aux copains, au détour d’un verre, dans des soirées plus ou moins arrosées ou autour d’une table après le dessert. Ce que j’avais vécu me semblait “normal”, c’était l’histoire de millions d’Iraniens, de millions d’autres citoyens du monde. Mais mes récits semblaient intéresser mes proches.

 

Une amie directrice d’école m’a alors proposé de venir raconter mon parcours de “réfugié” à ses élèves. L’exercice s’est répété devant une autre classe, puis une autre, etc. Je partageais mon histoire avec des adolescents de 13 à 18 ans. A la chasse aux idées reçues : Non, être mal habillés ne fait pas des migrants des personnes miséreuses… Personne ne quitte ses amis, sa famille et sa maison par plaisir… On n’abandonne pas ce qu’on a construit toute une vie pour toucher 500€ au CPAS…

 

Leurs retours étaient bons, on a ri, beaucoup appris les uns des autres et surtout réussi à briser des clichés. Ces réactions, l’intérêt qu’ils ont manifesté en écoutant, les questions posées à la fin de chaque présentation, et même l’envie de certains de raconter leur histoire à travers la mienne, m’ont convaincu de franchir le pas… Et d’écrire cette histoire. L’écrire avant tout pour mes enfants, qu’ils sachent d’où ils viennent et quelle est mon histoire. L’écrire aussi pour moi, les miens et tous ceux qui ont connu une telle situation. L’écrire enfin pour transmettre, et surtout espérer que mieux comprendre permettra de moins juger.